The Devil's Toy remix : trailer et entrevue exclusive!

Crédit photo: ONF The Devil's Toy remix : trailer et entrevue exclusive!
The Devil's Toy
Il y a de cela 48 ans, Claude Jutra réalisateur montréalais, réalise Rouli Roulant (The Devil's Toy) et ce qu'il présente est une nouvelle vision, un affront à la stigmatisation que peuvent subir les skaters. Pour la première fois et ce, à travers un court-métrage de 15 minutes en noir et blanc, on capte la soif de liberté des jeunes planchistes. Claude Jutra ne le sait pas encore, mais son film deviendra un véritable précurseur pour le milieu.

Encore aujourd'hui, son travail en inspire plus d'un. En effet, 14 réalisateurs de partout dans le monde (Afrique du Sud, Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grèce, Serbie, Singapour) joignent leur vision cinématographique et réalisent ensemble un remix du film culte de 1966. Les 11 parties en résultant sont traduites dans trois langues (français, anglais et allemand) et s'inspirent tous de la trame narritive du court-métrage original.

La sortie du remix étant prévue pour le 30 avril, le trailer lui, est maintenant en ligne et on vous invite à le visionner, ça vous fera rêver d'un printemps qui chauffe la couenne. 

Montréal, Myriam Verreault et les Skirtboarders
Les Skirtboarders ont elles aussi pris part au projet de remix et je me suis entretenue avec Annie Guglia, l'une d'entre elles, pour l'occasion. 

The Devil's Toy remix se veut un hommage au film de Claude Jutra “The Devil's Toy”, véritable précurseur en terme de films de skate. Les Skirtboarders ont participé au projet du remix de Montréal réalisé par Myriam Verreault. Qui de votre team a participé au projet et quel rôle y avez-vous joué?
En bref, Myriam a été choisie pour être la réalisatrice montréalaise pour le projet. Étant donné que tous ses homologues dans les autres villes étaient masculins, elle s'est demandée si y'avait pas, par pur hasard, un groupe montréalais de skateuses, tsé! Bel adon que la seule réalisatrice soit tombée sur une ville où y'a un groupe de filles qui skatent! (À vrai dire, c'est surtout une chance qu'elle ait pensée faire ça avec nous! haha). Donc, quand elle nous a approché pour nous parler du projet, on connaissait toutes très bien le film de Claude Jutra et on s'est empressées d'accepter son offre.

Lors du tournage, Mathilde, Louise, Fred, Clo, Anne-so, Roux, Élo, moi-même, et Reb et sa fille Maëlle étaient présentes. C'était malade!

Pour le rôle qu'on y a joué, dans le film original si vous l'avez vu, on suit une gang de skaters qui se fait chasser et par la police, au point de se faire confisquer leurs planches. Dans la version de Myriam, on suit plutôt une gang de skateuses qui se fait discriminer en se faisant dire qu'elles ne sont pas des "vraies filles" par la société. Elles se font montrer comment être des vraies "femmes à roulettes", si vous voyez le genre... Disons tout simplement que ça fini par Clo qui rétorque gentillement au narrateur: "Eille champion, t'a fermes-tu, ta yeule?!"

À tes yeux, en quoi la vision du film hommage du collectif est-elle différente ou semblable de l’originale?  
D'après ce que j'en sais, l'objectif de Claude Jutra était d'exposer la nouvelle problématique découlant de l'arrivée du skateboard à Montréal dans les années 60, mais avec cynisme parce qu'on comprend bien que pour lui, le rouli-roulant n'est pas du tout un problème. Il faut se remettre en contexte: le skateboard venait d'être inventé, et les jeunes devaient se les arracher et prendre les rues d'assault. Ça a créé des tensions avec la population et les autorités publiques, et on sait comment ça se passe dans le film. Pour le réalisateur, les skaters sont "victimes d'intolérence" de la part de la société et son but, c'est de leur donner une voix.

En ce sens, je ne pense pas que le projet de l'ONF ait le même objectif que le film original, même si le contexte de "rapports conflictuels imminents" entre les skaters et la société est resté sensiblement le même. Je pense que le projet actuel The Devil's Toy remix est un bel hommage au film culte, mais pas une nouvelle voix des skaters pour contrer la discrimination et l'intolérence à leur égart. Et loin de moi l'idée de dire que c'est moins noble ou quoi que ce soit, c'est juste différent. L'essence de Rouli-Roulant remixé, c'est vraiment le volet intéractif, où les gens sont invités à partager leur vision (positive) du skateboard à travers des photos et des vidéos sur le site intéractif de l'ONF et sur les réseaux sociaux, parallèlement au film original. C'est vraiment une bonne idée! 

Je dirais qu'il y a peut-être juste Myriam qui a donné une voix aux skateuses "victimes d'intolérance", phénomène à relativiser grandement aujourd'hui, mais vous allez voir, c'est pas mal hot comment elle a réussi à le faire!

Tu le disais tout à l'heure, dans la version de Claude Jutra, on dépeint les skaters comme des victimes de l'intolérance. Selon toi, la stigmatisation des skaters est-elle moindre, semblable ou pire que dans les années ‘60?
Je dirais semblable. En 2014, au Québec, un policier peut donner une amende de 56$ à une personne qui roule en skate dans la rue, sur le trottoir ou sur une piste cyclable; c'est interdit. Et c'est bien pire quand tu "utilises le mobilier urbain à des fins inadéquates", genre sauter des marches ou grinder un curb! Dans le fond, légalement, on a juste le droit de skater dans un skatepark. Ça ne vous fait pas penser, ne serait-ce qu'un peu, à Rouli-Roulant, où les jeunes peuvent juste skater dans la patinoire municipale...? Pis on va se le dire, la plupart de nos skateparks ressemblent à la patinoire du film, non? Haha.

Je pense donc effectivement que l'image d'intolérance véhiculée par Jutra s'applique encore aujourd'hui, mais je pense que le contexte est très différent. Le skate n'est plus un phénomène nouveau, mais surtout, sa réputation aux yeux du grand public s'est largement améliorée. Une belle preuve de ça dans le livre "Actions: comment s'approprier la ville" d'Ocean Howell, skater et doctorant en architecture. Il a écrit un chapitre intitulé "De nuisance publique à instrument de revitalisation: la planche à roulette dans l'environnement bâti" dans lequel il décrit la progression de l'attitude des municipalités par rapport au skate. Super intéressant comme thèse, mais à mon avis, c'est pas vraiment applicable ici malheureusement...!

Comment se sent-on de participer à ce défi de taille qu’est de rendre hommage à un film culte quand la plupart des gens impliqués dans le projet actuel n’étaient pas encore nés lors de la sortie du film original?
Très badass! Franchement, tout le monde dans le milieu du skate connait et apprécie ce film là. Je suis certaine que pas mal de monde aurait aimé y participer, alors c'est évidemment un honneur! Un gros merci à Myriam et à toute l'équipe!

Ton moment le plus mémorable lors du tournage?
Mon moment le plus mémorable, c'est clairement Élo, en robe avec du rouge à lèvres, qui envoie des becs suave à des dudes en décapotable. Enough said. It's a wrap!

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D'ici à la sortie du film, contribuez-vous aussi au projet en prenant des photos et des vidéos à publier sur Instagram et qui représentent votre vision du skate en utilisant le mot-clic #devilstoy

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